L'assiette est décorée d'une scène satirique relative à l'utopie icarienne de Ca

En Icarie, porcelaine, 1849. Collection Familistère de Guise (inv. n° D-2002-1-28.3). Crédit photographique : Familistère de Guise / Gérard Dufresne, 2015.

Sur le revers de l'assiette, se trouve la marque du fabricant.

En Icarie (détail du revers), porcelaine, 1849. Collection Familistère de Guise (inv. n° D-2002-1-28.3). Crédit photographique : Familistère de Guise, 2015.

La caricature montre Proudhon frappant d'un bâton le chapeau d'un propriétaire.
Comme quoi M. Proudhon s'attaque aux propriétaires sans s'attaquer à la propriété. Dessin de Cham paru dans Proudhoniana : Album dédié aux propriétaires / par Cham, Paris, Au bureau du Journal le Charivari, [1848], pl. 7. Centre for 19th Century French Studies, John M. Kelly Library, St. Michael College, University of Toronto (Internet Archive).

En Icarie

Dessinateur :

Copeland (J.)

Dessinateur actif en France au XIXe siècle au service de plusieurs manufactures de céramique.

Lieu :

France

Date : 1849
Faïencerie :

Geoffroy, de Boulen et Cie

Raison sociale de la faïencerie de Gien de 1849 à 1851.

Lieu :

Gien

Date : 1849
Technique : porcelaine
Mesures : D. 20 cm
Inscriptions :

signé sur l’avers, au fond : « J. Copeland » ; marque de fabricant de couleur rouge sur le fond au revers : « MÉDAILLE EXPOSITION 1844 | GEOFFROY | DE BOULEN | & Cie | GIEN | PORCELAINE OPAQUE »

Domaine :

objet mobilier domestique

Type : assiette
Acquisition : dépôt du conseil départemental de l'Aisne en 2002.
Inventaire n° : D-2002-1-28.3
Notice :

Cette assiette décorative fait partie d’une série d’assiettes ornées de scènes satiriques raillant les « idées nouvelles » des socialistes français au moment de la Révolution de février 1848. Elles ont été fabriquées à Gien, par une manufacture active entre 1849 et 1851 sous la raison sociale « Geoffroy, de Boulen et Cie ». Dix assiettes de la série sont conservées au Familistère de Guise (n° 1, 2, 4, 6, 7, 8 et 9), au musée national de l’Éducation à Rouen (n° 1, 7, 10 et 12) ou dans une collection privée (n° 3). Elles ont pour sujets et numéros : La propriété c’est le vol (n° 1), Retour d’Icarie (n° 2), La propriété c’est le vol (n° 3), En Icarie (n° 4), Dans ce temps-là, la propriété ne sera plus un vol (n° 6), Banque d’échange (n° 7), L’organisation du travail (n° 8), Abolition de la propriété (n° 9), Conséquences de l’abolition de la famille (n° 10) et Départ pour l’Icarie (n° 12). Les scènes moquent la théorie de la propriété soutenue par l’anarchiste Pierre-Joseph Proudhon depuis 1840, la communauté icarienne fondée en 1848 aux États-Unis par le communiste Étienne Cabet, ou le droit au travail de Louis Blanc et les ateliers nationaux créés par le gouvernement provisoire de février 1848.

La personnalité la mieux représentée sur les assiettes est Proudhon, le socialiste le plus en vue du moment. Élu député le 4 juin 1848, il prononce à l’Assemblée, le 31 juillet suivant, un discours révolutionnaire sur l’abolition de la propriété, dont la radicalité fait scandale. Proudhon devient une cible privilégiée de la presse satirique. Plusieurs dessins de J. Copeland sont tirés de lithographies du fameux caricaturiste Cham, parues en 1848 dans Proudhoniana : Album dédié aux propriétaires. Il est probable que les assiettes aient été produites en 1849, quand les sujets avaient encore une certaine actualité.

Le décor du marli de toutes les assiettes, en ton rouge ou en gris, est identique : un même motif ornemental encadre quatre vignettes, qui présentent deux sujets différents : Droit d’échange (un homme infirme et une femme conviennent de troquer un chapeau contre une paire de bottines) et Libre échange (deux hommes luttent l’un contre l’autre). Ces scènes évoquent peut-être le débat qui oppose, en 1849, Proudhon et l’économiste libéral Frédéric Bastiat.

Trois assiettes sont consacrées à l’Icarie d’Étienne Cabet : Départ pour l’Icarie (n° 12), En Icarie (n° 4), Retour d’Icarie (n° 2). Notons au passage que la numérotation des scènes, contraire à la chronologie, serait l’indication que les assiettes de la série sur les socialistes ont été conçues sans plan d’ensemble. Le communiste Étienne Cabet, avocat et journaliste, publie en 1840 un récit dans la tradition utopique, Voyages et Aventures de lord William Carisdall en Icarie, description d’une société communiste parfaitement organisée. En 1847, il lance un appel à réaliser aux États-Unis l’association fraternelle égalitaire : « Allons en Icarie ! » Les premiers Icariens quittent la France en février 1848. Étienne Cabet les rejoint en janvier 1849. La communauté s’installe au bord du Mississipi, à Nauvoo (Illinois). Mais les conditions de vie sont précaires, la discipline égalitaire est exigeante et la direction du « Père Cabet » est jugée autoritaire par une partie des migrants. Des colons forment des communautés dissidentes ; d’autres rentrent en France.

La scène intitulée En Icarie, dessinée sur l’assiette n° 4, montre un ouvrier saisissant un homme au collet, qui reçoit sur la tête un coup de bâton asséné de toute sa force par un comparse vêtu d’une redingote et d’un chapeau haut-de-forme ; le lieu de l’agression est identifié sur un panneau fixé à un poteau : « capitale de l’Icarie ». La légende dit : « Réception toute fraternelle faite par les colons au papa Cabet à son arrivée en Icarie. – Nous en as-tu fait avaler des couleuvres !!! N  4 ». Le groupe du personnage en haut-de-forme et de Cabet, sur le dessin de J. Copeland, s’inspire à l’évidence d’un dessin de Proudhon par Cham, Comme quoi M. Proudhon s’attaque à la propriété sans s’attaquer aux propriétaires, publié en 1848 dans Proudhoniana : Album dédié aux propriétaires / par Cham. Le thème du décor de l’assiette et la légende de la scène ont été empruntés à un autre dessin de Cham, paru dans Le Charivari : Icariens se préparant à faire une réception solennelle au père Cabet dès son arrivée dans la colonie.

Avec Pierre Proudhon, Pierre Leroux et Victor Considerant, Étienne Cabet est l’une des figures favorites de la satire et de la caricature des « idées nouvelles » en 1848. L’assiette n° 12 de la série, conservée au musée national de l’Éducation, lui est également consacrée. La scène qui en décore le fond, intitulée Départ pour l’Icarie, montre un Cabet velléitaire et dissimulateur. Deux colons chargés de bagages, s’apprêtant à embarquer pour Icarie, font sa rencontre sur le quai d’un port : « Eh ! Bien, papa Cabet, est-ce pour cette fois-ci ? Désolé, mes enfants, j’ai oublié mon parapluie à Paris, il faut que j’aille le chercher ; mais ça ne vous empêche pas de verser entre mes mains tout ce que vous avez de monnaie, c’est le règlement… »

Bibliographie :
Cham, Proudhoniana : Album dédié aux propriétaires / par Cham, Paris, Au bureau du Journal le Charivari, [1848], 16 pl. (consulter l'ouvrage sur Internet Archive).
Sandras (Agnès), « 1848 et la " foire aux idées nouvelles " (Partie I). », dans L'Histoire à la BnF, 21/12/2017, https://histoirebnf.hypotheses.org/1365, [consulté le 26/03/2018].
Sandras (Agnès), « 1848 et la " foire aux idées nouvelles " (Partie II). », dans L'Histoire à la BnF, 04/01/2018, https://histoirebnf.hypotheses.org/1478, [consulté le 26/03/2018].

Mots-clés : assiette ; révolution de février 1848 ; socialisme utopique ; échange ; lutte ; Icarie ; Cabet (Étienne)
Œuvres en rapport :

Retour d’Icarie

Notice créée le 27/03/2018. Dernière modification le 11/06/2018.