Spectacles

Pour cette nouvelle saison qui se déroulera de septembre 2023 à juin 2024, les portes du théâtre seront ouvertes en soirée pour un 13e cycle, pour un nouveau tour de manivelle, pour qui aura l’élan d’embarquer avec nous dans la fabrique à histoires.

Déjà, nous pouvons nous arrêter devant ce chiffre. Célébrer toutes les équipes qui se sont relayées au fil du temps pour développer et faire rayonner cette initiative rare, celle de proposer du spectacle vivant dans une petite ville qui ne possède pas de théâtre, et de maintenir son invitation au public en dépit des restrictions budgétaires, crises sanitaires, sociales, énergétiques…La liste des obstacles et contrariétés s’est allongée ces dernières années, et pourtant les institutions et les partenaires signent à nouveau pour la reconduction du projet, tandis que la population se déplace de plus en plus nombreuse vers ce lieu atypique que Godin dénommait le temple du Familistère.

Une salle bien remplie, des rires qui fusent, des émotions palpables et partagées, sont les ingrédients qui nous redonnent régulièrement du cœur à l’ouvrage, pour perdurer dans cet océan d’incertitude.

Si nous connaissons relativement bien l’écosystème territorial du Familistère, celui des compagnies qui nous visitent se révèle de plus en plus composite. Subventionnées, privées, en économie mixte et/ou informelle, les compagnies connaissent bien des arythmies, et ne cessent de jouer au rubix-cube avec leurs effectifs, leurs moyens et leurs stratégies – avec un temps de création qui s’en réduit d’autant.

Le manque de stabilité pousse les comédien·nes à s’engager sur plusieurs projets pour (sur) vivre, rendant la synchronisation des calendriers encore plus ardue, ou provoquant des changements de casting dont on nous informe en dernière minute. En parallèle les structures essaient de mutualiser du personnel administratif, ou peinent à renouveler des embauches où il est demandé à de jeunes diplômé·es ou autodidactes vénérables d’être de véritables couteaux suisses à des salaires ridicules.

Il arrive donc souvent qu’entre la découverte d’un spectacle et sa programmation en nos murs, soit 1 à 2 années en général, il aura fallu s’adapter à un fort turn-over d’interlocuteurs·rices, avec à chaque fois une relation et une culture de travail à re calibrer. Le monde de la musique que nous côtoyons 1 à 2 fois l’an n’est pas non plus épargné, avec parfois des bookeurs qui donnent l’impression d’un marché sans foi et hyper concurrentiel, ou bien avec des tourneurs plus modestes qui nous perdent dans le dédale de leurs arrangements avec les artistes qu’ils représentent.

Ces quelques observations nous interrogent : touchons-nous un niveau de dérégulation inédit ou en a-t-il toujours été ainsi ? L’avenir sera-t-il fait de secousses encore plus importantes, et ce que nous vivons ces dernières années annoncerait les prémices de changements encore plus importants, au cours desquels certains devront véritablement muter pour ne pas disparaître ?

Au Familistère nous observons ces signaux, et comptons sur nos complémentarités de métiers, de réseaux et d’idées pour construire la suite du programme, avec l’appui primordial du Département, de la ville de Guise, de la Région et de l’État.

Coup d’œil sur la programmation

Alors pour repartir sur de beaux chemins, nous vous proposons un éventail de créations pour réfléchir ensemble, voir la vie autrement, prendre du recul, s’évader carrément, s’outiller aussi, et s’émouvoir toujours, puisque la raison est insuffisante sans nos antennes sensorielles et ses manifestations émotionnelles…

Nous ouvrirons la saison avec la compagnie Madie Bergson et un texte tout en allitération de Faustine Noguès qui relate l’incroyable expérience du Parti pirate qui a gouverné avec punk et audace l’Islande. Façon de signaler que la chose politique nous appartient, nous concerne, nous regarde, et qu’il est possible d’intervenir dans nos démocraties mal en point.

Puis place à la comédie de boulevard grinçante avec le théâtre du Fracas qui étrille la psychologie positive mal digérée et les injonctions au bonheur des magazines. Ou comment intégrer sa part d’ombre plutôt que de la repousser à tout crin et faire grandir la poussière sous le tapis.

En novembre le Festival Haute Fréquence sera l’occasion d’accueillir Florent Marchet, un compositeur chanteur multi-instrumentiste inspiré, cousin d’Alain Souchon, observateur tendre de nos vies « non instagramables » en dehors des grandes villes. Ce chroniqueur nostalgique et pop, qui feuillette notre jeunesse ou nos amitiés enfuies, sera précédé de Cassandre pour la première partie de la soirée. Cette jeune musicienne et chanteuse de la région a été présélectionnée pour les Inouïs du Printemps de Bourges.

Occasion aussi, grâce au même dispositif régional, d’organiser des concerts hors-les-murs via le dispositif Résonnance, et de rassembler fidèles et curieux à conquérir autour des groupes Nebraska et Mad Kitten.

Puis ce sera la traditionnelle trêve des confiseurs pour Noël. Repli du froid de l’hiver où entre les bâtiments à chauffer et la difficulté à s’extraire de chez soi, nous baissons la devanture du théâtre.

Reprise en février avec la Compagnie du Faro, qui nous alerte sur les rouages de la manipulation, reliés à notre besoin d’être « embarqués », via d’habiles tours de mentalisme et magie nouvelle. Où l’on comprend que plus l’explication semble extraordinaire, plus la propension à croire est là.

En mars Popi Jones, compagnie belge fantaisiste et engagée, explorera avec nous, en musique et jeu acidulé, comment nous nous dépêtrons de toutes ces informations angoissantes sur notre environnement qui se délite. Comment moins culpabiliser face aux catastrophes qui s’annoncent ? Peut-être en cultivant sa joie au cœur du chaos, et en remettant à sa juste place ce sur quoi nous avons réellement de l’influence.

En avril nous nous découvrirons d’un fil, puisque ce sera la date audacieuse et légère de la saison avec un cabaret burlesque piquant, sensuel et drôle, avec un peu de chair mais sans vulgarité, pour partager une bulle féérique et une ouverture aux identités sexuelles hybrides !

15 jours après encore une proposition forte, avec un comédien d’exception du Munstrum Théâtre qui explore avec brio les multiples facettes de sa personne en prenant appui sur une légende de possession et d’exorcisme de sa ville natale…Une ode à la force de l’imaginaire qui nous nourrit et nous structure quand le réel nous échappe ou nous effraie, une performance de jeu rare.

Dans le prolongement du 1er Mai, un duo de l’Idiomecanic théâtre viendra rondement nous raconter l’histoire de Joseph Berneys, sorte de père fondateur d’outils de propagande moderne qui irriguent encore techniques publicitaires, marketing, pour une fabrique du consentement toute en couleurs…Vertigineuse démonstration, anecdotes vraies et glaçantes…Vous ne regarderez plus les récits médiatiques et politiques du même œil après leur passage.

Du 30 mai au 2 juin, ce sera la 2è édition du Festival Faire Autrement en biennale. Ateliers, conférences, tables rondes, workshop, rencontres inédites, expériences partagées, spectacle vivant….Cette ambitieuse programmation qui convoque citoyennes et citoyens met en coopération de nombreux acteurs, pour témoigner d’une société résiliente et respectueuse du vivant.

Pour clôturer la saison, le spectacle « 2h32 » de la compagnie Morbus, programmé la saison dernière en partenariat avec la Chambre d’eau et reporté à juin 24, bénéficiera nous l’espérons de l’effet Jeux Olympiques pour rencontrer des mordus de sport intrigués par l’itinéraire de la coureuse d’exception dont l’histoire est contée à l’aide de marionnettes…De l’art de faire venir au théâtre des personnes qui croient que la culture c’est pour les autres…

Charlotte Granger
Directrice artistique de la saison du théâtre 2023 - 2024
du Familistère de Guise